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Writer's pictureAnne Schollen

La preuve dans le nouveau Code civil : les conséquences en responsabilité médicale

Lorsqu’un patient tente d’engager la responsabilité professionnelle d’un médecin ou d’un autre prestataire de soins, différentes questions se posent en matière de preuve. Qui doit rapporter la preuve ? De quelle manière ? Avec quel degré de certitude ? Le nouveau Code civil et la jurisprudence récente apportent un éclairage nouveau sur ces questions.

  Le principe : obligation de collaborer loyalement à la charge de la preuve

Le demandeur est en principe tenu d’apporter la preuve des prétentions qu’il fait valoir en justice. Il appartient donc au patient de prouver la faute, le dommage et le lien de causalité pour pouvoir exiger une réparation du médecin. Ce principe reste inchangé.

Toutefois, toutes les parties à la cause sont tenues de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité. Ainsi, le médecin ou l’hôpital, même s’ils sont défendeurs, ne peuvent pas se contenter de nier les affirmations du patient. Ils doivent prouver ce qu’ils allèguent mais également produire les éléments nécessaires dont ils disposent afin de permettre au juge de prendre une décision éclairée. Le nouveau Code civil consacre expressément ce principe (article 8.4). Le juge peut même contraindre une partie à produire les éléments dont elle dispose si elle refuse de le faire volontairement.

Quelques nouveautés

Le renversement de la charge de la preuve

Le juge a désormais la faculté d’ordonner le renversement de la charge de la preuve dans certains cas (article 8.4, al. 5). Il pourrait ainsi décider qu’il appartient au médecin de prouver une absence de faute, et non au patient de prouver l’existence d’une faute. Les premières décisions montrent que les juges l’acceptent dans des cas très limités. Les conditions sont en effet très strictes :

  • Le juge doit d’abord ordonner toutes les mesures d’instruction utiles

  • Il doit aussi veiller à ce que les parties remplissent leur obligation de collaboration loyale à l’administration de la preuve

  • Il doit constater que, malgré ces mesures, des preuves suffisantes n’ont pas été obtenues

  • La mesure ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles et uniquement si l’application des règles normales se révèle manifestement disproportionnée.

L’application de cette règle dans le contexte médical reste soumise à discussions. On pourrait songer, par exemple, au cas d’un prestataire de soins qui aurait détruit volontairement certains éléments du dossier médical.

La preuve par vraisemblance

Le demandeur doit en principe apporter la preuve de ses prétentions avec un degré raisonnable de certitude (article 8.5). La preuve doit donc être certaine. Il ne doit pas s’agir d’une certitude absolue, mais le fait qu’on allègue doit être exempt de tout doute raisonnable.

Toutefois, dans certains cas, cette preuve peut être simplement vraisemblable, et non certain. Les travaux préparatoires du Code civil parlent, dans ce cas, d’une certitude de 75%.

Le premier cas de figure est celui de la preuve d’un fait négatif. L’exemple typique est celui du patient qui reproche au médecin un manquement au devoir d’information. L’absence d’information est un fait négatif qu’il est difficile de prouver. Certes, la Cour de cassation a clairement décidé qu’il appartient au patient de prouver que le médecin a manqué à son devoir d’information, et non au médecin de prouver qu’il l’a respecté (arrêt du 18 juin 2020). Toutefois, le patient ne devra pas prouver le manque d’information de façon certaine mais devra simplement présenter des éléments qui le rendent vraisemblable.

L’autre cas de figure est celui d’un fait positif mais qu’il n’est matériellement pas possible ou raisonnable de prouver avec certitude. Dans un cas récent, une femme enceinte avait fait une fausse couche après avoir été impliquée dans un accident de la route. Elle prétendait que c’est le stresse de l’accident qui avait provoqué la fausse couche. Les experts consultés étaient divisés sur la question. La Cour d’appel de Liège a considéré qu’il n’était scientifiquement pas possible de prouver l’existence de ce stresse dans le cas d’espèce. La victime pouvait donc se contenter d’en apporter la preuve par vraisemblance. La Cour de cassation a confirmé cet arrêt (arrêt du 14 novembre 2022).

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